Un collectif « vert » en entreprise, une stratégie qui fonctionne vraiment ?

Pourquoi c’est difficile de faire agir les individus de manière pro-écologique ?

Des études ont démontré l’existence de caractéristiques psychologiques spécifiques lorsqu’on aborde les problématiques environnementales regroupées sous le nom de « dilemme commun écologique ».1,2 Elles nous permettent de comprendre pourquoi il est difficile d’adopter et de conserver des comportements environnementaux.

En premier lieu, il faut comprendre que les effets du changement climatique sont très lents, et donc souvent imperceptibles pour le regard humain. Métaphoriquement, nous nous trouvons ainsi dans la position de la grenouille qui, plongée subitement dans l’eau bouillante va essayer de s’en échapper immédiatement mais lorsqu’elle est plongée dans une eau froide que l’on fait chauffer progressivement, elle finira ébouillantée sans s’en rendre compte. Ainsi, il est beaucoup plus facile de percevoir les changements de température des saisons, beaucoup plus rapide, que les variations de température à l’échelle du climat, ne permettant pas de poser un regard rationnel sur le changement climatique et d’agir en conséquence.

Les effets d’un comportement pro-écologique sont par ailleurs très lents ce qui ne motive pas à les maintenir. Des études montrent qu’il faudrait que l’effet du comportement soit visible quelques secondes ou minutes après la réalisation du comportement, là où il faut parfois attendre plusieurs années voire décennies sur les questions écologiques.1

Nous observons également que la probabilité d’occurrence d’évènements rares comme des inondations ou des ouragans est largement sous-estimée par les individus, ce qui va malheureusement les pousser à l’inertie.

D’autre part, il existe une distance temporelle et spatiale entre les individus responsables du changement climatique et ceux qui en sont victimes. Nos propres comportements en tant qu’individus appartenant à une puissance économique impactent en premier lieu les pays plus pauvres et impacteront davantage les générations futures que la nôtre.

Enfin, le ratio bénéfice-coût à un changement de comportement est perçu comme insuffisant. Par exemple nous percevons le fait de ne pas avoir deux voitures ou le fait de ne pas installer un climatiseur à la maison comme étant plus coûteux que le fait de n’avoir qu’une voiture ou de n’avoir qu’un seul climatiseur. Ainsi le bénéfice à court terme sera largement privilégié de celui à long terme.

Mettre les individus face à leurs contradictions pour insuffler un changement

Dans notre article précédent, nous abordions le concept de consistance du soi qui est interrelié avec celui de dissonance cognitive. Il s’agit d’un état d’inconfort ressenti lorsque nos comportements ne sont pas en adéquation avec nos croyances.3 Créer un inconfort cognitif parmi les membres du collectif et mettre en évidence les incohérences entre ce qu’ils pensent faire pour l’écologie et ce qu’ils font réellement constitue alors une première étape vers l’adoption de comportements davantage pro-écologiques.

Cette idée se base sur le paradigme d’hypocrisie induite ayant fait ses preuves dans plusieurs études et certains contextes.4 Nous pouvons ainsi observer que lorsque des individus sont mis en contradiction avec leurs comportements passés et que ceux-ci diffèrent de la norme socialement attendue (ici la norme d’agir de manière pro-écologique) alors ces individus vont davantage soutenir des associations qui agissent en faveur de l’environnement.4

Mettre individuellement les membres face à l’incohérence de leurs comportements permet de dépasser un plafond de verre en matière de comportements écologiques. Néanmoins, l’approche par le collectif montrera toujours davantage de résultats.

Privilégier l’intérêt du collectif pour modifier un comportement sur le long terme

Pour expliquer pourquoi il est difficile pour les individus d’agir de manière écologique, nous expliquions que le ratio coût-bénéfice à un changement de comportement était perçu comme insuffisant. Nous privilégierons toujours un comportement non-écologique qui nous bénéficie individuellement à court terme plutôt qu’un comportement pro-écologique qui privilégie les bénéfices collectifs à long terme. C’est pour cela que motiver les individus à agir de manière éco-responsable en insistant sur leurs bénéfices à long terme n’est pas une stratégie efficace.5

En ce sens, développer un groupe de travail sur les questions environnementales et y développer la coopération entre ses membres s’avère être une démarche bien plus efficiente. Pour que la coopération se développe au sein du collectif, il convient de prendre en compte 4 éléments auxquels OASIS Environnement reste très attentif.

Le premier est l’incertitude environnementale, c’est-à-dire le niveau de connaissance en matière écologique. OASIS s’en fait le garant à travers différents ateliers avec les salariés, ce qui permet de développer le niveau de coopération entre les membres du groupe.

Le deuxième élément est l’efficacité de la réponse, c’est-à-dire à quel point les membres du groupe pensent que la coopération permet d’agir activement pour l’écologie. L’objectif d’OASIS est ici de motiver le collectif en montrant que les actions réalisées ont réellement un impact, notamment en abordant un sujet simple à comprendre tel que la réduction des déchets dans l’entreprise.

Les deux derniers éléments sont interreliés puisqu’il s’agit de développer la communication parmi les membres du groupe, ce qui permet de comprendre les visions de chacun et ainsi de créer une norme commune à laquelle chacun peut adhérer. Cela réduit ainsi l’incertitude sociale, c’est-à-dire l’incertitude à propos du comportement des autres ce qui, si elle était présente, réduirait la coopération au sein du collectif.

En résumé, connaissance, responsabilisation et communication sont les maitres mots d’un collectif qui fonctionne.

Préparer un plan d’action pour engager les individus dans leur démarche

Au-delà de l’aspect individuel (avec le sentiment de dissonance cognitive) et de l’aspect collectif (avec la coopération), l’enjeu est d’engager chaque individu dans un comportement écologique. L’engagement c’est « le lien qui unit l’individu et ses actes ».6 Autrement dit, selon Joule et Beauvois, « seuls nos actes nous engagent ».7 L’objectif d’OASIS Environnement en accompagnant les entreprises dans la transition écologique, est de laisser les salariés (Eco’acteurs.trices) du collectif  concevoir eux-mêmes leur plan d’actions pour qu’ils se sentent personnellement engagés et responsables. De plus, grâce à une bonne connaissance de leur organisation et de leurs collègues, les salariés Eco’acteurs.trices pourront rapidement être plus efficaces dans leurs actions.

Autrement dit, pas à pas, l’individu et le collectif s’engagent dans la mise en place de comportements écologiques et qui ouvrent plus probablement la voie vers de nouveaux allant dans le même sens.7

Les problématiques environnementales vous questionnent et vous souhaitez agir au sein de votre organisation ?  N’hésitez pas à nous contacter !

 

Cédric THIERS, Psychologue Social

Sources :

1 Pawlik, K. (1991). The Psychology of Global Environmental Change: Some Basic Data and an Agenda for Cooperative International Research. International Journal of Psychology, 26(5), 547–563. https://doi.org/10.1080/00207599108247143

2 Vlek, C., & Keren, G. (1992). Behavioral decision theory and environmental risk management: Assessment and resolution of four ‘survival’dilemmas. Acta psychologica, 80(1-3), 249-278.

3 https://www.psychologie-sociale.com/la-theorie-de-la-dissonance-cognitive/

4 Odou, P., Darke, P., & Voisin, D. (2019). Promouvoir les comportements pro-environnementaux grâce à l’hypocrisie induite. Recherche et Applications En Marketing (French Edition), 34(1), 78-94. https://doi.org/10.1177/0767370118788479

5 Montada, L., & Kals, E. (2000). Political implications of psychological research on ecological justice and proenvironmental behaviour. International Journal of Psychology, 35(2), 168-176.

6 Kiesler. C. A. (1971). The psychology of commitment. New York, Academic Press.

7 Joule, R. V., & Beauvois, J. L. (1989). Une théorie psychosociale : la théorie de l’engagement. Perspectives commerciales. Recherche et Applications en Marketing (French Edition), 4(1), 79-90.